Joyeux non-sens ! C'est un peu la traduction française de l'expression favorite d'Ebenezer Scrooge, le personnage principal du roman de Charles Dickens. Dans l'oeuvre de Dickens, on y découvre Scrooge, un homme au cœur de pierre, qui aime l'argent par dessus tout et déteste tellement Noël que chaque geste de générosité est, selon lui, un non-sens (Humbug). Visité par trois fantômes -celui du Noël passé, du Noël présent et du Noël prochain-, sa vision de la générosité change et, au final, il espère avoir assez de temps pour pouvoir changer sa vie et améliorer celle des autres.
Fantôme du Noël passé
Le premier fantôme offrant une visite à Scrooge. Il lui offre une visite de son passé. Il revoit son enfance et son adolescence...
Vous souvenez-vous du temps des fêtes des années '70-'80 ? (surtout si vous êtes GenX). Des cadeaux partout sous le sapin. De grosses boîtes bien enveloppées avec de gros rubans rouges ou verts. Chacune des familles de la génération des boomers, qui venait de familles de 5-6 enfants, avait 2-3 enfants ... donc une grosse trollé qui faisait en sorte qu'il y avait beaucoup de cadeaux qui débordaient parfois jusque dans d'autres pièces de la maison.
On faisait notre liste de cadeaux à l'aide du catalogue de Distribution aux consommateurs (i.e. Amazon de l'époque). On découpait les photos de ce qu'on voulait pour être certain de ne rien manquer (le Pinterest de l'époque...). On distribuait notre liste à nos parents et à la famille proche (Facebook...).
Ensuite on comptait les dodos jusqu'au départ chez matante Suzanne et mononcle Michel qui recevaient en campagne. On sortait les cadeaux du char ainsi que les bouteilles d'Hochtaler et de Black Tower, sans oublier la crème de menthe verte de Monique. On écoutait le hockey, préférablement un match Canadiens Nordiques, et ensuite on pouvait commencer à déballer les cadeaux. Des grosses boîtes avec du papier qui se déchirait bien. Des boîtes qui contenaient souvent plus d'emballage que de cadeau. De papa et maman. De mammie pis pappie. De mononcle Rolland. Bisous à tout le monde, on allait se coucher en tentant de s'endormir pendant que les adultes dansaient sur les Reels de La Soirée Canadienne dans la pièce d'à côté (Pas facile...).
C'était simple. Un gros party de famille bien arrosé. Il me semble aussi que les cadeaux n'avaient rien d'extraordinaire jusqu'à l'arrivée du commodore 64 en 1982. On se contentait de casse-tête, de toutous et de Barbies. À peine mieux que les oranges que recevaient nos grands-parents (!). On prenait plaisir à offrir et à recevoir. Je me rappelle des cadeaux faits maison, des tricots de grand-mère et des pantoufles en Phentex. Les conversations à l'époque étaient les mêmes qu'aujourd'hui (es-tu passé par la 10 ou par la 30 ? le coût de la vie n'arrête pas d'augmenter, et pis ça va comment à job ? etc.), mais au moins on ne semblait pas s'endetter pour des cadeaux ! L'arrivée de l'électronique allait tout changer...
Fantôme du Noël présent
Vous allez dire que je vis dans le passé, mais on n'a plus les Noël qu'on avait.
Il y a beau avoir moins d'enfants, on achète plus de cadeaux qu'avant. La période des fêtes est l'excuse parfaite pour nos excès. Le "Black Friday" est même devenu l'événement "à moi de moi" par excellence; rien de mieux pour acheter un objet électronique de moindre qualité qu'on a pas de besoin pour simple prétexte que ce n'était pas cher et qu'il faudra remplacer car ça ne valait pas cher non plus...
Une étude du American Research Group cite que la moyenne des dépenses en cadeaux de Noël sera de $976 par personne cette année. Un peu moins qu'en 2018, curieusement, mais beaucoup plus que le $413 ajusté pour l'inflation que dépensaient en moyenne les gens en 1985. Cette étude démontre bien le problème de notre société; on pense qu'on doit acheter des cadeaux à tout le monde. Pour notre famille, nos êtres chers, mais aussi pour nos amis, pour nos collègues ... et même pour nos animaux !
Cette tendance à sur-acheter (par obligation) est aussi très néfaste. Selon une autre étude parue dans LaPresse, 18% de la valeur des cadeaux s'envole en fumée. Ça c'est les cadeaux qui sont suivis de la phrase "t'aurais pas dû ...", mais dans le vrai sens du terme. Ce gaspillage s'élève à $259 millions au Québec seulement. Fait en Chine, expédié 11,500 km plus loin, acheté au Dollorama, enveloppé et déballé ici, au vidange 2 jours plus tard pour finalement retourner en Chine dans un conteneur à déchets...
Vous pensez faire un cadeau parfait en offrant une carte cadeau ? Pensez-y deux fois. En lisant cette chronique de Stéphanie Grammond, je me rends compte que c'est loin d'être parfait, à ma grande surprise. D'ailleurs, c'est assez impersonnel à mon goût. C'est un autre signe qu'on se sent "obligé" de donner quelque chose; on choisit une carte qui finira peut-être, se dit-on, par devenir utile...
Et que dire des demandes précises. Je suis rendu le Scrooge, ou le cheap, de ma famille. Quand on a commencé à me donner des commandes spéciales, du type "ta soeur aimerait bien avoir un mélangeur pour Noël", et que j'ai commencé à répondre "Ben, qu'elle s'en achète un!", ma réputation était faite. Quand j'ai commencé à donner des biscuits en pots, des savons ou des gâteaux aux fruits, ce fut le clou dans le cercueil. Mais en même temps, ce fut très révélateur; vous voyez tout de suite qui vous prend pour un catalogue de Distribution aux Consommateurs...
Fantôme du Noël prochain
Le pire c'est que si ça continue, on va dépenser sans savoir ce qu'on achète vraiment et à qui on achète. Déjà en 2012, juste par les habitudes de consommation, Target était capable de savoir quelles clientes étaient enceintes, et ce avant même que ces clientes ne le sachent !
Presque 8 ans plus tard, je me dis que, bientôt, des programmes d'A.I. vont consulter le profil de vos amis sur Facebook et leur acheter directement un cadeau sur Amazon. Vous recevrez des Likes en guise de merci et pourrez regarder ce qu'ils ont reçu grâce à Instagram.
C'est un peu ma vision du Noël prochain. Ce n'est vraiment pas ce que je veux encourager et, comme pour la mode acoustique des années '90, je crois que je m'en vais "unplugged".
Dettes de consommation, dettes de jeu... même chose.
On dit qu'il faut parfois prendre un peu de recul pour mieux avancer. Je crois qu'on est rendu là... Acheter sous pression, qu'elle soit sociale ou par les commerçants avec leurs pubs ciblées, n'est ni bon pour votre portefeuille ni bon pour l'environnement. Si vous achetez $500 de cadeaux en trop par année sur la carte de crédit dont le solde n'est jamais remboursé, à 20% d'intérêt annuel, ça fait $43,000 au bout de 15 ans ... wow, un très beau "à moi de moi" si on est patient. Bon, vous allez me dire qu'on finit par payer la carte, ou en partie, à un moment donné, mais ce n'est pas toujours le cas. Beaucoup trop de gens roulent leurs dettes ...
... comme aux États Unis. De plus en plus de gens changent de voiture et transfèrent le prêt de l'ancienne, qui n'est pas finie de payer, à la nouvelle voiture. Résultat, on rembourse des prêts de $45,000 pour des voitures de ... $27,000.
Vous vous dites "Ah! ces Américains". Pourtant un article m'a démontré à quel point le Québec ne donne pas sa place non plus. L'article en question, "Abonnés à la Faillite", parle des gens qui réussissent à faire effacer leur dette pour la troisième, voire cinquième fois de leur vie, en faisant faillite. Et, année après année, le Québec se taille la part du lion de ces faillites à répétition : de 43 % des cas de deuxième faillite au Canada, à la quasi-totalité (90 %) des cas de cinquième faillite. Dettes de jeu et de consommation se démarquent.
Trucs de millionnaire Si vous voulez recevoir de belles choses, ne pigez pas un "riche" pour l'échange de cadeau. Je vais vous l'avouer, on recycle !
Pourtant, je redonne de belles choses, presque pas utilisées. Mais je dois avouer qu'une fois, j'avais "regifter" un bel album photos, tout neuf... sauf que j'avais oublié que j'y avais déjà mis des dizaines de photos au centre. Un peu gênant quand "le pigé" en question le dit haut et fort à la table ...
Aussi, autre aveu, si j'ai la chance de trouver une belle couronne de Noël au chemin avant le jour de l'an, elle se retrouve sur ma porte (!). Je la garde le plus longtemps possible. Si je ne retenais pas ma femme, on aurait parfois même le sapin qui vient avec ...
Sans gêne, je peux vous dire que mes amis proches qui veulent des choses précises, et bien ils se l'achètent. Ils sont très contents de recevoir des savons, des biscuits en pots ou de la confiture de balconville. Comme vous vous en doutez, mon portefeuille s'en porte mieux et celui de ma famille proche aussi ... car maintenant plus personne ne fait de cadeau "au cheap" que je suis !!!
Joyeux non-sens (Bah! Humbug!). Passez de belles fêtes et à l'année prochaine !!!
Bonjour Sorcière Frugale, Je ne peux malheureusement répondre sous votre commentaire (je crois que je vais changer de site...). C'est vrai que c'est curieux, au départ, que les gens s'attendent à recevoir quelque chose. On devrait tout simplement être content que quelqu'un ai pensé à nous, point. C'est pour ça que je fais des cadeaux moi-même, si j'ai le temps. Ça ne m'empêche pas d'acheter quelque chose de temps à autres, mais on me connait assez pour savoir que c'est loin d'être une obligation, et il y a tellement de façon de donner !
Je suis comme toi, je déteste donner et recevoir des cadeaux à Noël. Depuis quelques années, j'ai demandé à ma famille si on pouvait ne pas s'en donner; ça a créé beaucoup de tumultes chez certains proches, mais quelques uns ont embarqués.. Et on adoré ! Pas de stress associé aux Fêtes notamment. J'ai toujours quelqu'un qui continuait à m'en faire et cette année bien, cette personne me boude ouvertement parce que j'ai été moins de main morte dans mes demandes(ben coudonc!). J'aime mieux passer du temps en famille ensemble que les cadeaux, ça d'lair !