J'ai fait mon premier vrai voyage à 23 ans, en backpack. Depuis, je n'ai pas vraiment changé ma façon de voyager.
Premier emploi, premières vacances
Je me retrouve un samedi matin dans un café avec un ami, coin St-Laurent et Prince-Arthur. Mon ami me demande comment je vais passer mes semaines de vacances, mes premières en tant qu'employé, depuis la fin de l'université. Je ne savais pas trop. Ça c'était assez vite, sans préparation. Je lui ai dit peut-être me mettre au golf, prendre ça relaxe et faire la fête avec des amis. Il m'a alors dit "tu disais que tu aimerais voyager. Pourquoi ne vas-tu pas quelque part ?". Et bien, une heure après le brunch, j'avais un billet d'avion Montréal-Strasbourg entre les mains. Le vol partait le soir même, et le retour se ferait de Toulouse. C'était le moins cher. À peine le temps de remplir de T-Shirt le backpack emprunté à mon coloc et je prenais l'avion à Mirabel (!).
Avion vide, j'ai dormi comme un bébé et me suis réveillé à l'atterissage. J'ai refusé un bus pour aller au centre-ville de Strasbourg pour économiser ... j'allais faire de l'auto stop. Sur le bord de la route déserte, je réalise que je n'ai que $20 en poche et pas certain que ma carte de guichet Desjardins allait fonctionner (on est en 1995 quand même...). Pourtant, c'est à ce moment que j'ai ressenti un grand sentiment de liberté et de richesse. Libre comme le vent. Le monde était à moi ... même avec seulement $20 en poche ! Une voiture ... une autre ... enfin, un arrêt. Un jeune, fin vingtaine allait au centre-ville en revenant d'un tournage. Moi qui venais de commencer la photographie, on a discuté photo et voyage et on s'est tout de suite lié d'amitié. Il m'a invité pour le café, on a rejoint sa copine, et je suis resté 3 jours avec eux ! Il m'a fait rencontrer des amis qui allaient à Lyon pour m'aider à aller en direction de Toulouse. 25 ans plus tard, on est toujours en contact. Il est maintenant grand reporter et voyage beaucoup plus que moi !
Pas de voiture, mais un ou deux voyages par année ! Depuis ce voyage en backpack, j'ai commencé à voyager une à deux fois par année. Il faut dire que j'ai souvent combiné des voyages d'affaires avec mes vacances pour sauver le billet d'avion. Ou accumulé des points. J'ai aussi presque toujours voyagé en backpack. Auberge de jeunesse à mes débuts, il m'arrivait souvent de dormir au moins une nuit dans un parc isolé ou au pied des escaliers d'un lieu public. J'ai dormi adossé sur une porte à l'église San Lorenzo au centre de Florence, faute de trouver une chambre (ne jamais sous estimer le nombre de touristes à Florence ...). J'ai dormi dans un parc à Lyon après avoir réalisé trop tard qu'il serait sage de prendre une chambre (1 heure du matin, je voulais faire de la photo de nuit, mais j'ai frappé un mur à 3:30hres !). Ça fait partie de l'aventure et ça permet de faire des rencontres, comme l'artiste Christophe Chol. J'avais perdu mon billet de train Lyon-Nîmes et je me suis fait "jeter" dehors à Vienne (France). Christophe m'a pris sur le stop. Artiste peintre, il habitait un loft de rêve à Vienne et on est devenu ami tout de suite. En période de canicule, il allait chercher des amis pour les amener chez ses parents qui avaient une belle piscine rafraîchissante. J'y suis resté 3 jours (!) pour m'occuper de la maison car ses parents n'étaient pas là (j'arrosais le jardin !). Une grande maison, et une belle piscine avec vue, juste pour moi ... on est aussi resté en contact. On s'écrit aux 5 ans. C'est aussi ça les voyages. Ce ne sont pas que les musées, les choses à voir ou les restaurants réputés, mais beaucoup les gens qui y vivent.
La meilleure façon de voyager
Je me suis toujours dit que j'allais voyager le plus possible en bakpack, car une fois qu'on "upgradé" vers le 5 étoiles, il est difficile de redescendre vers l'auberge de jeunesse.
Je suis allé vivre ensuite en Asie pendant un certain temps. C'était pour nous la meilleure façon de voyager. On combinait dépaysement, aventure et travail ! Quoi de mieux que de prendre son temps pour explorer une région aussi éloignée de la maison. Nous en avons profité pour visiter 2 pays par année, avec des vols de 4-5 heures au lieu de 16 heures à partir de Montréal. C'est aussi là qu'on a curieusement réduit notre consommation et l'achat de biens qui ne nous procuraient pas de plaisir. Pourquoi être abonnés au câble quand il y a tant de choses à voir à l'extérieur? Pourquoi acheter une voiture quand le système de transport en commun est si bien développé? Pourquoi des CDs et autres objets ramasse poussière quand il faut être prêt à quitter notre pays d'accueil à tout moment? Voyager léger, en backpack comme dans la vie !
Notre premier voyage en Asie, à partir de notre nouveau pays d'accueil, fut en Thailande. On avait booké des hôtels à $15 la nuit. Nous étions arrivés à Bangkok autour de minuit. Notre taxi n'avait aucune idée où était notre hôtel mais comme tous les taxis d'Asie il disait "I know I know I know ...." à l'aéroport. On tournait en rond. On voyait des gens faire du feu dans des barils dans les rues. On aurait dit qu'il y avait plein de sans-abris partout. Nous avions booké dans le quartier indien de Bangkok, un quartier plus pauvre. À un moment donné, notre chauffeur de taxi est sorti demander des informations, et quad il est revenu il nous a dit "Get out!". Enfer et damnation, j'ai figé. Je me voyais pas débarquer dans une rue remplie de sans-abris et criminels passé minuit en plein milieu de Bangkok. Et le chauffeur qui continuait "get out, get out ...". Après le choc passé, j'ai réalisé que le problème était son accent. Il disait en fait "Guest House", mais il ne prononcait pas les "s" (accent thailandais ?!?). Donc il voulait tout simplement nous dire qu'on n'avait pas réservé à l'hôtel, mais un guest house. Fiou ! Oui, je confirme ! Nous étions à seulement un coin de rue et l'employé du "guest house" nous attendait accroupi sur un petit fauteuil, tout heureux de nous voir. Fatigués, nous étions aussi très heureux de voir notre chambre, même s'il n'y avait pas d'eau chaude (mais qui a besoin d'eau chaude quand il fait près de 40 degrés ?!?).
Le lendemain matin, surprise et bonheur. Petit guest house, donc aucun déjeuner, je vais me promener dans les rues de mon quartier pour acheter et "construire" mon déjeuner. Oeufs et riz frits par ici, rôties sur le bbq artisanal par là, café avec "Bialleti" de fortune et lait condensé (mioum, très sucré !), fruits frais (ananas) sur bâtonnets. Tous mes achats venaient de gens qui cuisinaient sur le trottoir. Non seulement on s'est régalé pour quelques cennes, mais on a réalisé que notre quartier était vibrant et hyper intéressant. Les gens que j'avais vus faire des feux dans des barils le soir étaient en fait des gens et familles qui se regroupaient en fin de journée pour faire à manger, bbq style, à la bonne franquette. Nous sommes restés près de deux semaines en Thailande et n'avons jamais mangé au restaurant. Nous avons toujours réussi à se faire inviter avec un sourire -langage universel- pour manger avec des familles qui cuisinent sur le bord du chemin. Le plus jeune qui sort deux bancs de plastique, des ustensiles qu'on lavent avec notre serviette et voilà, un repas de roi à se faire regarder par des enfants ébahis comme si on était des extra-terrestres !
À quel hôtel êtes-vous allés ? Je ne sais pas si c'était mon environnement d'expats ou si c'était l'Asie, mais à chaque fois qu'on revenait de vacances on nous demandait invariablement "à quel hôtel êtes-vous allé ?". Quelle stupéfaction quand on leur disait qu'on avait été dans des guest houses à $15 ... ils avaient tous ce regard qui ne ment pas. Ils se disaient "ben voyons donc, tu gagnes bien ta vie, pourquoi ne pas réserver dans un hôtel de rêve ?". Pour eux, un beau voyage combiné au statut social voulait dire un traitement princier dans un hôtel réputé pour impressionner la galerie, se faire servir pour vraiment "relaxer" et manger dans les restos qui font le guide Michelin ou ceux uniquement recommandés par le concierge de l'hôtel, et encore mieux si ce dernier possède une clé d'or. Pourquoi prendre l'avion alors que vous pourriez réserver un bon hôtel près de chez vous ?!
Pour notre voyage de noces au Vietnam, un de nos "super hôtels" à $15 avait même des draps de Winnie-the-Pooh. On en rit encore. Ça fait de drôles d'histoires ... on se souvient encore que les cafés vietnamiens autour de notre guesthouse, en pleine rue, étaient bien meilleurs que ceux qu'on retrouve dans les hôtels les plus luxueux.
Comme j'avais été souvent en Italie, un collègue ne cessait de me demander des conseils pour les 'meilleurs' hôtels pour son voyage de noces. Que ce soit à Rome, à Florence ou à Venise, il n'arrêtait pas de me demander "which one is the best ... which one is the best?". Son père payait, et "l'image" pour ce couple était très important. J'ai vite réalisé que quand il me demandait "which one is the best?" parmi ses choix, ce qu'il voulait dire était essentiellement "lequel est le plus cher, lequel va impressionner les gens ?". Il voulait ce qu'il y avait de "mieux". Mais qu'est-ce qui est le mieux ... un voyage est tellement personnel. On voyage pour découvrir un pays et, à chaque fois, on se découvre un peu soi-même à travers de drôles d'expériences.
Ce même collègue qui voulait "what's the best" m'a déjà annoncé tout excité que l'hôtel Four Season de Bangkok avait un spécial incroyable pour deux nuits (vendredi-samedi) qui revenait à moins de $100 je crois. Il voulait en profiter. Je lui ai demandé ce qu'il ferait à Bangkok avec seulement une journée complète car il arriverait un vendredi soir très tard et repartirait dimanche matin. Il m'a répondu "Man, you don't understand, this is the Four Season dude! It's the hot place to be". C'est vrai, je ne comprenais pas. Je lui ai répondu qu'il y avait un Four Season où on était, qu'il pouvait booker deux nuits à un prix un peu plus cher mais, au moins, il sauverait un vol ! Il me regardait incrédule. Ce qu'il voulait en fait c'est dire à ses amis qu'il était allé passer le w-e à Bangkok au Four Seasons, et ce rabais était l'occasion d'en mettre plein la vue, pour moins cher. Autrement dit, ce qu'il voulait c'est dépenser pour son égo, en mettre plein la vue, et là il pouvait le flatter pour moins cher.
Did you fly business? Une autre question qui me rendait bouche-bée est "did you fly business?". Encore une fois, à chaque fois que je répondais non, j'avais des yeux qui me regardent en se disant "pauvre toi, tu n'as pas d'argent pour voler en business ?". Je n'ai jamais vu l'intérêt de voler classe affaires (à moins que la compagnie paye ...). Payer $5,000 au lieu de $1,000 pour un vol, c'est du vol ! Ce n'est pas une question d'avoir les moyens ou non, mais payer 5x le tarif "économie" pour deux places (toi et ton égo), c'est trop ! Je me dis à chaque fois qu'au pire, un bon massage ou repas à destination coûte beaucoup moins cher.
Mais pourquoi demander cette question pour commencer. Quel hôtel ? As-tu volé classe affaires ? Comme si le but du voyage était de se faire "luxurer". Faut-il se payer "la totale" pour avoir l'impression d'en profiter plus ? Est-ce comme une bouteille de vin, plus on paie cher plus c'est bon ? Je ne crois pas. C'est peut-être même le contraire ...
Voyager dans le luxe On était à Cusco, en shorts et bottes de marche. On passait devant le JW Marriott, l'hôtel de luxe de l'endroit, quand on a aperçu deux personnes qui ne fittaient pas mais pas du tout dans le décor. Sacs Louis Vuitton, souliers à talons hauts et mocassins Tods, pantalons blancs, etc. Dans les rues en pierres et sales de Cusco, point de départ vers les randonnées pédestres à couper le souffle, ces deux "extra-terrestres" faisaient rire tout le monde. Les touristes comme les locaux les regardaient en souriant. On se regardait tous en se disant "oui, ils sont sûrement bien préparés et prêts pour la visite du Machu Picchu !".
Quel voyage manqué selon moi. Ils ne sont sûrement pas allés au marché local, où les gens achètent leurs articles de la vie de tous les jours, où on y mange la meilleure soupe et autres repas à saveurs locales. Avec leur chauffeur privé, ils n'ont pas eu l'occasion de sauter dans un 'combi' avec d'autres voyageurs pour apprendre les meilleurs trucs et choses à voir. En fait, voyager dans le luxe est un peu, pour moi, comme faire un gros voyage organisé. On dort tous dans le même genre d'endroit, on mange les mêmes choses, on se déplace tous ensemble dans un gros Utobus ... tout le monde dans l'utobus. Voyager comme la famille Pineault Caron... Aussi, je crois que les "riches" voyagent en "pauvres". Ce ne sont souvent pas les plus riches qui voyagent en classe affaires (à moins de voyager pour affaires...). Ce ne sont pas toujours les plus pauvres que vous voyez manger avec les locaux dans la rue. En tant que "riche", je dois dire que faire attention aux dépenses est une habitude de vie. La simplicité volontaire veut aussi dire ne rien gaspiller. J'ai déjà mangé la moitié d'un pain tranché parce que ma femme ne voulait pas le jeter. On en avait un peu trop. On était à court de salade et jambon... Comme on était sur la route, perdus en Toscane, je dois vous dire que j'étais un peu choqué de ne pas arrêter dans une de ces belles trattoria. J'ai mangé toutes les tranches de pain en grognant. Ou comme cette autre fois, en Bolivie, ou on voyageait léger, donc sans huile d'olives dans notre sac. On avait des pâtes et des tomates. Croyez-moi, des pâtes et des tomates, pas d'huile, c'est difficile à avaler après 2 bouchées. Encore plus après 3 repas en ligne. Et bien, toujours en grognant, je les ai mangées ... et j'ai aussi perdu du poids dans les semaines qui ont suivi. Voyez-vous, voyager en "riche", c'est loin d'être dans le luxe. On pèse constamment le pour et le contre de nos choix !
Définition du luxe Ça fait 25 ans qu'on voyage pas mal toujours en backpack. C'est certain qu'en France, en Italie, au Portugal ou en Espagne, nous avons eu recours au 'luxe' d'AirBnB, que nous adorons. Bien que je déteste mes voisins qui ont converti chaque étage de leur triplex en AirBnB où règnent les fêtes sur la terrasse à 3 heures du matin trois fois par semaine, AirBnB est la meilleure façon de vivre l'expérience locale. Faire son marché à l'épicerie du coin, prendre un bon café le matin et des fruits dans "sa cuisine", préparer un petit dej pendant que sa conjointe dort dans la pièce d'à côté, ça c'est du luxe pour moi !
En fait, ma définition du luxe est bien simple. C'est après avoir fait du bénévolat pendant 3 mois, dans des pays en développement, que j'ai réalisé une fois revenu à la maison que le luxe était "une bonne douche chaude, un lit qu'on connaît et des vêtements propres ...". Aussi simple que ça !
J'espère continuer à voyager comme ça pendant longtemps. Pas seulement pour une question de coût, mais parce qu'il est important de sortir de sa zone de confort justement et, surtout, pour y vivre des expériences qui passent nécessairement par la rencontre des habitants du pays que vous visitez.
On reconnaît ceux qui voyagent beaucoup. Leur débrouillardise, leur ouverture d'esprit. Un peu comme ces deux 'jeunes' Polonais de 73 ans que nous avons rencontrés à Uyuni. Ils nous avaient proposé de les accompagner pour remplir un SUV et traverser le désert de sel. Ils ne parlaient ni anglais ni espagnol mais après quelques heures ils nous parlaient en polonais et nous en français. On avait décidé que la langue ne serait pas une barrière pour communiquer. On parlait chacun dans notre langue respective, suivi de signes pour se comprendre, et l'expérience fut non seulement cocasse, mais ça fonctionnait !
Le meilleur souvenir Oui voyager léger, sans trop dépenser est parfois difficile. Nous avons traversé l'Inde, la Russie, la Thailande, le Vietnam et le Maroc en train. Pas toujours propre et/ou confortable. Nous avons gelé dans des bus en Amérique du Sud. Encore moins propres et/ou confortables. On a dormi dans des huttes de petits villages, dans des chambres sans eau chaude, dans des tentes improvisées dans le désert ou de petits hôtels avec trop de chats, souvent à geler toute la nuit ou craindre des insectes ou, pire encore, des scorpions ... Mais nos "pires" moments sont aujourd'hui nos meilleurs souvenirs. Ce sont ceux dont nous parlons encore et qui, parfois, nous manquent. Ce sont ces moments les plus mémorables, ceux qui ont fait qu'on apprécie encore plus le reste du voyage (!), ou qui nous rapprochent, en couple ou de nous mêmes. Les moments difficiles, loin de la maison et dans une autre langue, nous en apprennent beaucoup sur nous, sur notre résilience, notre patience et notre imagination. Ce sont les moments les plus cocasses, les plus difficiles ou les plus bizarres qui font les meilleures histoires.
Backpack, AirBnB ... Home Exchange ? On considère parfois quitter quelques mois faire de longs voyages pour apprendre une autre langue, faire des cours de cuisine ou de musique. Un peu comme pour travailler à l'étranger, une bonne façon de faire ce type de voyage serait peut-être de faire un échange de maison sur Home Exchange. Je n'ai jamais essayé, mais un ami me le recommande fortement. Comme j'habite au centre de Montréal, des appartements à Paris, Rome ou Barcelona s'ouvrent à nous. L'idée de vivre à Rome pendant 3-4 mois, le temps d'aprendre l'italien et sa cuisine sans y perdre sa chemise me plaît énormément. Si jamais vous avez vécu une expérience semblable, faites-moi signe ! Voyagez pour vous. Voyagez pour découvrir ... autant un pays que vous-même. Voyagez pour moins cher, donc voyagez plus !
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