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  • Writer's picturele millionnaire invisible

La Mécanique

Updated: Sep 19, 2020

J'entends souvent le mot "panique" quand arrive un événement majeur et que le marché est en sévère correction. On entend aussi souvent dire qu'un projet de loi est bon simplement parce que le marché réagit favorablement. Pire encore, on trouve que les investisseurs sont parfois sans cœur puisqu'une nouvelle politique socialement inacceptable a fait bondir les marchés. Pourtant, le marché ne panique pas. Le marché ne juge pas. Le marché n'est ni à droite sur l'échelle politique ni à gauche. Le marché n'est qu'une mécanique mathématique fort simple qu'il faut analyser de façon détachée.

Modèles d'évaluation

Il existe plusieurs méthodes pour évaluer le prix d'une action.


Le modèle de croissance de Gordon (GGM) est une des premières méthodes apprises sur les bancs d'école. Cette méthode se base sur une série de dividendes à travers le temps, la croissance estimée de ceux-ci et le taux de rendement voulu. Une vieille méthode qui s'utilise surtout pour des actions dont le dividende est stable, connu aujourd'hui sous le nom de "Dividend Discount Model" (DDM).


Une autre méthode est celle des "cash flow". Le "Discounted Cash Flow model" (ou DCF), est une méthode "absolue" (pas comparativement aux autres compagnies) comme le modèle de Gordon. La formule, qui est plus complexe que Gordon, évalue le cash flow (aussi appelé flux de trésorerie en chinois) de la compagnie à travers le temps et permet d'arriver à un prix par action.


Il existe également plusieurs méthodes d'évaluations relatives (comparaison) utilisant des ratios. Souvent pour une même industrie, on peut comparer le ratio P/B (Prix sur valeur au livre), P/CF (prix sur cash flow), P/S (prix sur les ventes), etc. On peut même comparer une transaction précédente (dans le cas d'une fusion acquisition) pour nous donner une idée (autrement dit, copier !).


Mais une des méthode d'évaluation -relative- la plus populaire pour des actions "matures" est celle du cours bénéfices, encore plus connu sous le nom de Price Earnings, ou P/E dans les livres. Cette méthode consiste à regarder le ratio du Prix divisé par ses profits, de le comparer avec ses pairs, et d'évaluer (au pif !) la croissance de ses profits futurs.

Mécanique du P/E et Indice Boursier

Un indice boursier mesure le prix d'un ensemble d'actions qui la compose. Ainsi, le S&P 500 mesure la capitalisation boursières des 504 titres qui la composent (bon, c'est 500 compagnies mais certaines compagnies ont deux classes d'actions...). Si on additionne la capitalisation boursière de ces 500 compagnies, on arrive à un chiffre (énorme) et on le divise par un chiffre magique (!) gardé secrètement pour nous donner la valeur de l'indice. Ce chiffre magique, qui est un secret de polichinelle, évolue dans le temps lorsqu'il y a changement dans l'indice (lors de l'ajout ou retrait d'une des 500 sociétés dans l'indice) en vue de garder l'indice intact après le changement. Par exemple, si vous enlevez une société qui ne correspond plus aux critères du S&P 500 à la fermeture des marchés (souvent parce que la capitalisation boursière est rendue trop basse) pour la remplacer par une autre qui a une capitalisation boursière différente (souvent plus élevée), alors le diviseur changera (augmentera) pour que la valeur de l'indice à la réouverture soit la même (si tous les titres ouvrent inchangés...).


Un indice boursier s'évalue un peu de la même façon qu'un titre. Pour ma part, comme je suis "top-down" (vs "bottom up"), j'aime bien regarder les indices plutôt que les titres eux-mêmes. Je me fis souvent au ratio P/E pour savoir si le marché est cher, ou s'il représente une aubaine.


Le P du P/E est l'indice lui même. Par exemple, si le S&P 500 transige à 3200, on parle de son "prix". Pour le E, les profits, il s'agit d'une agglomération des profits des sociétés qui la composent, divisé par le chiffre magique (le "diviseur"). Par exemple, pour 2020, avant l'apparition du Coronavirus, les profits ("E") attendus pour le S&P500 étaient d'environ $175. On peut facilement trouver ces estimés quand on fait nos devoirs (!).


Donc si on prend le prix de l'indice divisé par ses profits, ça nous donne 18.28 ($3200/$175). Autrement dit, les investisseurs payent en moyenne 18.28 fois les profits pour acheter les 500 actions qui composent l'indice.


Les profits ont été révisés, le P/E ratio est sous sa moyenne...

Le graphique ci-dessous montre l'évolution du marché (indice du S&P 500 sur l'échelle de gauche) avec les profits attendus des investisseurs, échelle de droite. La différence entre les deux échelles est de 15, soit un P/E de 15 en moyenne (i.e. $100 de profits attendus sur léchelle de droite donne $1,500 pour le S&P sur l'échelle de gauche). Si le marché -ligne bleue pâle- est plus élevé que les profits -ligne bleue foncée-, alors le marché est cher du point de vue historique.

Juste avant la révision des profits.

Arrive le Coronavirus

Je dois dire que j'ai été un peu surpris de la lenteur de réaction des marchés lors de l'apparition du virus.


Peut-être parce que dans le passé, une baisse liée aux épidémies a été une opportunité d'achat. Le "WHO" étant ce qu'il est, les réactions pour contenir les virus, comme celui de l'Ebola, sont de plus en plus rapides. Celui du SARS avait eu un effet limité sur les marchés mondiaux, mais il faut dire que le PIB de la Chine n'était que de 4% du PIB mondial à l'époque alors qu'il représente maintenant près de 20% aujourd'hui.


Maintenant, le marché réagit. Au moment d'écrire ses lignes, la Fed vient de baisser ses taux de 100 points de base à 0%. Le S&P 500 a perdu environ 35% en un mois, passant de 3,380 à moins de 2,500. Est-ce la panique? Non. Pour moi, ce n'est pas une panique mais un ajustement des profits attendus. La volatilité ? Elle est le résultat du manque de visibilité de ces profits. Je m'explique...

10 secteurs

Il y a 10 secteurs dans le S&P 500. Bon, maintenant 11 avec l'immobilier (je suis de la vieille époque). Ces secteurs sont 1) consommation discrétionnaire, 2) consommation de base, 3) la santé, 4) les communications, 5) services aux collectivités (drôle de nom, "utilities"), 6) les finances. 7) l'énergie, 8) industriel, 9) matériaux, 10) la tech et finalement, 11) l'immobilier.


Lors d'une crise, ce ne sont pas tous les secteurs qui seront directement touchés. Par exemple, dans le cas du Coronavirus, le secteur de la santé va probablement voir des hausses de revenus, de même que pour la consommation de base, ne serait-ce que pour l'achat de papier de toilette (!). On peut s'attendre à la même chose pour les communications, l'immobilier et les services aux collectivités, du moins à court terme. Même pour la consommation discrétionnaire, toutes les industries ne seront pas touchées de la même façon. Avec une baisse de $60 à $30 le baril, la baisse du secteur de l'énergie (pétrole) est plus facile à évaluer... d'ailleurs, ont peut voir ce qui était attendu dans les profits fin décembre (barre grise) vs ce qui est attendu aujourd'hui (barre bleue) dans le graphique ci-bas, pour le 1er trimestre 2020 (l'énergie en prend plein la gueule).

Et pour l'année 2020, une petite baisse généralisée des estimés qui demeurent positifs (en date de la semaine passée, avant la fermeture des frontières et autres mesures...). De mon côté, je m'attends plutôt à une baisse des profits par rapport à 2019...


Back of the envelop calculation

J'aime bien cette expression anglaise, car, souvent, j'utilise le dos de mes enveloppes pour faire certains calculs.


Mon "Back of the envelop" me dit qu'en 2008, lors de la crise du crédit, les profits ont baissé de 20-25% (voir le fameux rapport de JPMorgan -Guide to the market- en page 7).


Mécanique 101: si on applique cette baisse de profits au S&P 500 -vous vous souvenez du $175 estimé plus tôt ?!?- on obtient des profits attendus "après correction" de $132 à $140. Si on applique le ratio P/E de 18 (i.e. si on paye 18 fois ces profits), on obtient un "back of the envelop" estimé de $2,365 à $2,520 pour l'indice du S&P 500.


C'est un "back of the envelop". C'est une mécanique simple, mais pas une science.


Rappelez-vous que ce ne sont pas tous les secteurs qui seront touchés de la même façon par cette pandémie. Rappelez-vous aussi que la baisse du marché ne signifie pas que le virus devient plus dangereux pour nous. Une baisse de 10% ne signifie pas qu'une plus grande partie de la population va être touchée ou que le taux de fatalité du virus augmente. Non. La baisse signifie que les mesures adoptées, tel la fermeture des frontières, va affecter l'économie plus durement que prévu, dans le but de nous rendre moins à risque. Autrement dit, les mesures pour nous protéger font baisser les marchés car elles toucheront plusieurs secteurs de l'économie. Autrement dit de l'autrement dit, ne vous fiez pas à une chute des indices boursiers pour savoir si le virus devient plus vérulent ... c'est sûrement le contraire qui arrive.

La peur

Je comprends très bien la peur d'entrer dans le marché lors d'une chute rapide. D'ailleurs, l'expression favorite des traders est "like catching a falling knife" (comme attraper un couteau qui tombe ... tous ont peur de se couper !).


Ce que je trouve ça fascinant, c'est la magie des pourcentages.


Ce n'est pas parce qu'une action a baissé de 50% qu'elle ne peut pas perdre un autre 50%. En fait, une action peut perdre 50% à tous les jours pour toujours !


Aussi, certaines personnes regardent le niveau d'un titre pour juger du danger. Quand j'entends "je peux pas perdre grand chose, l'action vaut juste 2 cents", ce à quoi je réponds "si l'action tombe à 1 cent, tu perds quand même 50% ...". Autrement dit, c'est moins pire de perdre $5 si un titre transige à $100 que de perdre "seulement" $1 si le titre transige à $2...


Les craintes de récession. C'est certain, on peut anticiper une baisse des profits de 20-25% pour l'ensemble des compagnies qui composent un indice boursier, tel le S&P 500 ...


... mais il ne faut pas sous-estimer. Un "one two punch" comme certains disent.


Si le choc est de longue durée, ce qui semble être le cas, fort est à parier que l'immobilier subira un choc (pensez aux AirBnB du beau-frère qui l'avait facile...). Suivra le secteur financier si des pertes doivent être effacées, ensuite l'emploi, etc.

Même dans le noir il y a du rose

Mais je ne veux pas faire dans la peur. Je veux simplement expliquer la mécanique du marché, des indices et du fait que certains secteurs de l'économie, qui représentent l'indice, ne seront pas tous touchés de la même façon. Certains vont même en bénéficier car, rappelez-vous, le marché ne juge pas, il n'approuve pas, il est froidement mathématique...


Les banques centrales interviennent activement. On veut prévenir ce "one-two punch". Je trouvais irresponsable déjà qu'en période de croissance économique que les États Unis aient un si grand déficit et que les taux soient aussi bas, empêchant toute marge de manœuvre. Mais c'était sans compter que la Fed peut continuer à imprimer et que les taux peuvent même devenir négatif (je suis quand même dubitatif à l'idée qu'un actif aussi important que des obligations américaines puissent avoir un taux négatif car c'est un actif donné en collatéral... système disfonctionnel assuré !).


Je crois qu'après cette quarantaine (une quarantaine en passant, n'est-ce pas supposé justement être 40 jours ?!) les gens vont s'habituer de vivre avec la Covid-19. Il ne faudrait quand même pas que les effets secondaires du virus deviennent plus néfastes que le virus lui-même !


Je suis peut-être dans le champ gauche, mais en espérant vous apporter une perspective sur la mécanique et une vision moins noire de notre proche avenir. Et peut-être pour vous rappelez, si je suis vraiment dans le champ gauche, que ce qui est important est d'investir régulièrement ... de toute façon 😁

Boni: Alex. Un de mes cartoon préféré du Daily Télégraph, et avec qui j'échangeais de temps à autre pendant la crise financière de 2008 !


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